Des chercheurs ont identifié des composés qui aident les cellules du foie à se développer en-dehors du corps.
Prometheus, la figure mythologique qui a volé le feu aux dieux, a été puni pour cela en étant attaché à un rocher. Chaque jour, un aigle volait vers lui et se nourrissait de son foie, qui repoussait ensuite pour être mangé le lendemain.
« Les scientifiques modernes savent qu’il y a une part de vérité dans le récit », a dit un ingénieur du MIT, Sangeeta Bhatia. « Le foie peut en effet se régénérer si une partie de celui-ci est retiré ». Cependant, les chercheurs tentent d’exploiter cette capacité dans l’espoir de produire des tissus artificiels du foie en vue d’être transplantés. Après maintes essais, ces plans ont été à chaque fois contrecarrés : les cellules du foie matures, appelées hépatocytes, perdent rapidement leur fonctionnement normal lorsqu’elles sont retirées du corps.
« C’est un paradoxe, car nous savons que les cellules du foie sont capables de croître, mais quelque soit la manière, on ne peut pas les amener à se développer [en-dehors du corps] », a expliqué Bhatia, Professeur au département John and Dorothy Wilson du Health Sciences and Technology, et du département Electrical Engineering and Computer Science au MIT, membre associé à la Broad Institute, et membre de l’Institut Koch du MIT pour la recherche intégrative sur le cancer et de l’Institut d’ingénierie médicale et de la Science.
Nonobstant, Bhatia et ses collègues ont fait un pas vers cet objectif. Dans un article paru dans la revue Nature Chemical Biology du 2 juin, ils ont identifié une douzaine de composés chimiques qui peuvent aider les cellules du foie, non seulement à maintenir leur fonction normale tandis qu’il croît en laboratoire, mais aussi de multiplier la production de nouveaux tissus.

Les chercheurs du MIT ont généré des cellules hépatiques matures à partir de cellules souches pluripotentes induites. Dans cette image, les noyaux cellulaires sont colorés en bleu. La tache verte identifie les cellules du foie, et la tache rouge identifie les cellules qui se divisent activement. © SHAN ET AL, NATURE CHEMICAL BIOLOGY, 2013
Si l’on en croit les chercheurs, les cellules cultivées de cette façon pourrait les aider à développer une nouvelle ingénierie tissulaire, dans l’objectif de traiter un grand nombre des 500 millions de personnes souffrant de maladies chroniques du foie – comme l’hépatite C.
L’auteur principal du papier est Jing (Meghan) Shan, un étudiant diplômé de la Division Harvard-MIT des Sciences de la Santé et de la Technologie. Les membres du laboratoire de Bhatia ont collaboré avec des chercheurs du Broad Institute, de la Harvard Medical School et l’Université du Wisconsin.
Dépistage à grande échelle
Bhatia avait déjà mis au point un moyen de maintenir temporairement la fonction normale des cellules du foie, après que ces cellules aient été prélevées sur le corps, précisément par leur métissage avec des cellules de fibroblastes, issues de souris.
Pour cette étude – financée par le National Institutes of Health et le Howard Hughes Medical Institute National – l’équipe de recherche a adapté le système de sorte que les cellules du foie aient pu se développer, couche par couche, avec des cellules de fibroblastes, à l’intérieur de petits espaces dépressurisés dans un récipient de laboratoire. Cela a permis aux chercheurs d’effectuer avec un grand recul, des études rapides sur la façon dont 12.500 produits chimiques différents influent sur la croissance et la fonction des cellules du foie.
Le foie a environ 500 fonctions, divisées en quatre catégories générales : la désintoxication, le métabolisme énergétique, la synthèse des protéines et la production de bile. David Thomas, chercheur associé qui a travaillé avec Todd Golub au Broad Institute, a mesuré les niveaux d’expressions de 83 enzymes hépatiques représentant certaines des fonctions les plus complexes à maintenir.
Après le dépistage de milliers de cellules du foie provenant de huit donneurs de tissus différents, les chercheurs ont identifié 12 composés qui ont contribué à aider les cellules à maintenir ces fonctions, en soutenant la division des cellules du foie, ou les deux.
Deux de ces composés semblent avoir fonctionné particulièrement bien dans les cellules de donneurs plus jeunes, de sorte que les chercheurs – incluant Robert Schwartz, un postdoctorant de l’IMES, et Stephen Duncan, professeur de génétique humaine et moléculaire de l’Université du Wisconsin – les ont également testé dans les cellules hépatiques générées à partir de cellules souches pluripotentes induites (iPSCs). Les scientifiques avaient déjà précédemment essayé de créer des hépatocytes de iPSCs, mais ces cellules n’atteignaient généralement pas un état complètement mature. Toutefois, lorsqu’ils sont traités avec ces deux composés, les cellules ont eu plus de chances à arriver à maturité de façon plus structuré.
Bhatia et son équipe se sont demandés si ces composés pourraient lancer un programme de maturation universel qui influencerait d’autres types de cellules. D’autres chercheurs sont maintenant parvenus à les tester sur un certain nombre de types différents de cellules produites à partir d’iPSCs.
Dans des études à venir, l’équipe du MIT prévoit d’intégrer les cellules du foie traitées sur des échafaudages de tissus polymères et de les implanter chez la souris, pour tester si elles pourraient être utilisées comme tissus du foie de remplacement. Ils poursuivent également la possibilité de développer des composés, comme des médicaments, pour aider les propres tissus du foie des patients à se régénérer, main dans la main avec Trista North et Wolfram Goessling de la Harvard Medical School.
Eric Lagasse, professeur agrégé de pathologie à l’Université de Pittsburgh, affirme que les résultats représentent une approche prometteuse de surmonter les difficultés scientifiques qui sont rencontrées dans les cellules hépatiques se multipliant en-dehors du corps. « Trouver un moyen de faire croître des hépatocytes fonctionnels en culture cellulaire serait une avancée majeure », s’est positionné Lagasse, qui ne faisait pas partie de l’équipe de recherche.
Établir des connexions
Bhatia et ses collègues ont récemment fait des progrès en vue de résoudre un autre défi d’ingénierie des tissus hépatiques, c’est-à-dire faire en sorte que le corps du receveur voit croître ses vaisseaux sanguins pour alimenter le nouveau tissu en oxygène et en nutriments.
Dans un article publié dans les Proceedings de la National Academy of Sciences, en avril, Bhatia et Christopher Chen, professeur à l’Université de Pennsylvanie, ont montré que si les cordons préformés de cellules endothéliales sont intégrés dans le tissu, ils vont se développer rapidement en structure de vaisseaux sanguins après que le tissu soit implanté.
Dans l’unique but d’y parvenir, Kelly Stevens du laboratoire Bhatia a travaillé avec Peter Zandstra de l’Université de Toronto pour concevoir un nouveau système qui leur permet de créer un tissu 3D et de contrôler précisément le placement des différents types de cellules dans le tissu. Cette approche, décrite dans la revue Nature Communications en mai dernier, permet à l’ingénierie tissulaire de mieux fonctionner avec le tissu hôte.
« Ensemble, ces documents offrent une voie à suivre pour résoudre deux des problèmes de longue date de l’ingénierie tissulaire du foie – obtenir une plus grande quantité de cellules du foie en-dehors du corps et de tissus à greffer au receveur de la greffe », a souligné Bhatia.
Crédit image À-la-Une : Libre de Droit – Fair Use
Citations du M.I.T.
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