Un ouvrage de Richard Wilkinson et Kate Pickett, rédigé en 2009 à l’occasion de la fondation du site « The Equality Trust », et expliquant les avantages d’une société plus égalitaire. Celui-ci fût publié en France en 2013 et fait le tour des travaux menés par les deux auteurs concernant les externalités négatives dûes à la problématique de l’inégalité. « Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous ? », publié aux éditions Les Petits Matins le 10 octobre 2013, nous brosse un tableau critique et constructif concernant l’analyse socioéconomique de pas moins de vingt trois pays riches, qui sont les suivants : L’Allemagne, L’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Canada, le Danemark, l’Espasgne, les Etats-Unis, la Finlande, la France, la Grèce, l’Irlande, Israël, l’Italie, le Japon, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, Singapour, la Suède et la Suisse. Sans compter l’analyse en parallèle des cinquante états américains, afin de comparer les données internationales à une échelle nationale, renforçant ainsi la cohérence du propos. Les statistiques et données sont à la fois le fruit des travaux des deux auteurs en tant qu’épidémiologiste et chercheur, mais également de données récoltées auprès d’organismes tels que le PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), l’UNICEF (Fonds des Nations unies pour l’enfance), l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle), l’université d’Oxford…ainsi que bien d’autres organismes officiels. Tout les indicateurs tendent à confirmer une vérité générale qui est la suivante, au-delà d’un certain niveau de vie matériel, le PIB par habitant pèse bien moins sur l’allongement de l’espérance de vie, le niveau de la criminalité, le taux de maternité précoce ou même la consommation d’eau que le niveau des inégalités au sein d’une société. D’où l’intérêt de se pencher sur le cas des pays riches, afin de démontrer qu’arrivé à un certain point, le niveau de richesse matérielle n’est plus un indicateur suffisant pour mesurer le bien-être global. Sans compter que l’analyse des pays riches permet également de démontrer que les inégalités affectent l’ensemble de la population, aussi bien les nécessiteux que les nantis.
Les deux auteurs ne se contentent pas d’établir une critique globale, dans la troisième partie de l’ouvrage ceux-ci appellent à une transformation de fond de nos sociétés. Le tout afin de parer efficacement aux externalités présentées tout au long des deux premières parties. Pour ceux désireux de visualiser une potentielle transition du modèle actuel vers une nouvelle société et civilisation humaine, les outils présentés par Richard Wilkinson et Kate Pickett peuvent être pertinent. Ces mêmes outils appellent à une responsabilisation des individus, les appelant à reprendre en main leur existence, plutôt que d’adopter une attitude démissionnaire face aux aléas croissants de toutes sociétés inégalitaires. En ce sens, il est essentiel de dynamiser les mécanismes de coopération et d’incitation, plusieurs moyens permettent d’ores et déjà ce type de dynamisation. Les auteurs insistent également sur le fait qu’il n’existe pas de solutions uniques, mais de multiples moyens de tendre vers ce but commun qu’est l’accroissement de l’égalité et de l’équité. Certains pays optent pour le maintien d’un niveau faible d’inégalité avant impôts et prestations sociales, ce qui est le cas du Japon (dont la majeure partie des indicateurs sont positifs), tandis que d’autres recourt à la fiscalité et aux prestations sociales afin de redistribuer une part des revenus des riches au bénéfice des pauvres (ce qui est le cas de la Suède), sans compter que les deux stratégies peuvent être appliquées ensemble afin de faciliter la transition. Il est à noter que certains outils sont également disponibles à l’échelle du citoyen, la communication d’éléments probants allant dans le sens d’une égalité accrue afin d’impacter les comportements individuels, le développement d’organisations à but non lucratif, le développement de l’actionnariat des employés avec le développement en parallèle de méthodes de gestion plus participatives, la diversification des modes de management via un intéressement plus conséquent des employés actionnaires, le développement des coopératives de producteurs et de consommateurs, le fait de surfer sur la vague technologique et renforcer ainsi l’accessibilité pour le grand public aux secteurs devenant « gratuit » (du fait de la baisse des coûts marginaux des produits issues du numérique et des nouvelles technologies en général, basculant ainsi peu à peu dans les « biens publics »), le développement d’une économie « stationnaire » (dans le sens durable et non décroissante)…etc.
Cet ouvrage regorge donc d’informations pertinentes et constructives concernant l’analyse que l’on peut faire, en l’état, de nos sociétés. Richard G. Wilkinson et Kate Pickett nous mettent ainsi face à un constat criant, tout en nous donnant des outils afin d’y répondre. Car critiquer un état de fait est une chose, être en mesure de proposer une ou des alternatives en est une autre. Forger une force de proposition cohérente, pertinente et réaliste, ne se fait pas en un jour. C’est là une observation qui nous permet d’éviter les simplifications abusives et les solutions simplistes impliquant peu d’investissement de la part de ceux qui en prennent connaissance. Tout projet de grande ampleur implique un investissement de même nature. C’est là le défi que les auteurs nous invitent à relever, d’une manière ou d’une autre.
Mathias TECHER
[…] « Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous ? », publié en France en 2013, sur lequel un article est également disponible dans la bibliothèque Civilisation […]