Le Professeur Jie-Hyun Lim, directeur de l’Institut de recherche sur l’histoire et la culture comparées à l’Université de Hanyang pense que le nationalisme est un acte de trahison et limite la capacité de l’imagination. (Republication)
Tout d’abord, nous devons comprendre que la notion de nationalisme n’est pas qu’inhérente à des instincts que l’on pourrait associer à l’extrême droite. Nous parlerons ici du point de vue de l’attachement, voire de la nécessité de la nation elle-même. Quoique cela puisse être associée pour vous, si je vous dis présentement que nous allons faire cesser les activités de la France pour la rattacher à un autre pays ou pratiquer un autre mode de direction, vous ne pourrez qu’être assez sensible voire éprouver un sentiment qui irait jusqu’à la tristesse ou la colère : c’est de cet aspect du nationalisme que nous abordons, soit sa réelle définition autour de ce qu’un peuple peut en éprouver.
Donc, suite à la reconnaissance de la souveraineté d’une nation observée par les révolutions américaines et françaises, le nationalisme est devenu l’un des mouvements modernes les plus ancrées au monde. Cependant, comme toute idéologie a ses défauts, le nationalisme a aussi ses propres problèmes. En effet, dans une société mondialisée où l’interaction de l’information, du travail et des produits entre les nations sont des concepts communs, et même nécessaires, l’idée de nationalisme semble susceptible de verrouiller les échanges entre humains et/ou produits.
Le Professeur Jie-Hyun Lim, directeur de l’Institut de recherche sur l’histoire et la culture comparées (RICH) à l’Université de Hanyang pense que le nationalisme est un acte de trahison et qu’il limite créative/imaginaire.
Pour en savoir plus sur son parcours académique et philosophique, notre partenaire Asia Research News via Internet Hanyang News s’est entretenu avec Lim pour obtenir des informations complémentaires.
Le nationalisme lui-même semble faire ressortir des avantages tels que le patriotisme. Pourquoi prétendez-vous qu’il s’agit d’une trahison ?
Lorsque nous regardons en arrière dans l’Histoire, le nationalisme a été utilisé comme une idéologie d’accession au pouvoir. Le nazisme et le fascisme sont d’excellents exemples montrant comment le nationalisme peut être abusé. En outre, dans une société mondialisée où les individus se connectent avec le monde entier, la souveraineté, qui est un facteur-clé du nationalisme, peut conduire à des effets indésirables tels que limiter la créativité et l’imagination des individus.© Université Hanyang
Par exemple, les Sud-Coréens ont beaucoup souffert de la poussière jaune causée par la désertification de la Chine lié à son développement économique massif. En termes de nationalisme, les deux pays sont incapables de fournir des solutions. Depuis que la souveraineté de la Chine doit être respectée, le gouvernement sud-coréen n’a aucune possibilité de prendre une quelconque forme d’action. Si la souveraineté de la Chine devait être écartée et que la question de poussière jaune devait être présentée en termes d’effets négatifs sur les citoyens sud-coréens, il y aurait sensiblement plus de critiques contre le gouvernement chinois, ainsi que des litiges. Au lieu de cela, le gouvernement chinois ignore tout simplement les conséquences de sa désertification, car ses effets sont en-dehors de la frontière de leur pays.
Ce type d’étroitesse d’esprit doit être remplacée par une nouvelle perspective qui prend en compte et tente de comprendre la position de toutes les nations. À mon avis, le transnationalisme est la réponse. En supprimant la notion d’une nation à l’esprit, la compréhension de collaboration et de coopération avec des personnes de différents États peut tout transformer en une meilleure réalité. Un bon exemple de transnationalisme est l’Europe. Au lendemain de la catastrophe de Tchernobyl, une nation qui veut établir une centrale nucléaire doit désormais obtenir l’approbation des nations environnantes. Ce type d’approche transnationale devrait se produire plus souvent dans un monde intégré.
Vous avez inventé le terme « dictature de masse ». Pourriez-vous expliquer ce que cela signifie ?
« Dictature de masse » est un oxymore. Une dictature pourrait être définie comme la règle d’une très petite minorité qui contrôle et manipule la majorité par la force (ou la menace de) et la puissance. Le nazisme et le fascisme, avec des pays et des leaders tels que la Corée du Nord et même l’ancien président de la Corée du Sud ChungHee Park, sont des exemples de ce que nous appelons la dictature. Pour atteindre ses propres objectifs, un dictateur utilise la force pour réprimer et contrôler ainsi la majorité.© Université Hanyang
Cependant, « la dictature de masse » explique l’existence et la nécessité de l’appui et l’approbation des masses pour que la dictature puisse exister et perdurer. Les dictateurs du passé étaient capables de comprendre les désirs des masses et ainsi utiliser ces informations pour manipuler et contrôler les gens.
Lorsque l’on considère le fonctionnement de l’ancien président Park au cours de son régime, il y avait des critiques de l’opposition et des militants étudiants, mais les élections ont toutefois eu lieu. Même si certaines élections passées ont été considérées comme illégales, une grande majorité des personnes étaient toujours en accord avec Park et ont salué sa réussite. De même, un tel phénomène semble se produire en Corée du Nord. Bien que plus de recherche soit nécessaire, jusqu’aux années 1980, le dictateur IlSung Kim ne pouvait pas avoir créé une telle dictature de manipulation et de répression sans le consentement et l’approbation des citoyens.
Afin de prévenir des tragédies comme ce que nous voyons en Corée du Nord, nous devons considérer les raisons pour lesquelles les masses approuvent ces dictateurs.
Dans de précédentes interviews, vous avez dit que les intellectuels sont chargés de définir ce qu’est la société pour ses citoyens. Pouvez-vous décrire la société coréenne ?
La base sur laquelle la République de Corée (ROK) a été créée est la démocratie. Cependant, la démocratie elle-même a besoin d’une constante démocratisation. Il est vrai que notre économie et le système politique se sont améliorés sur la base de la démocratie. Néanmoins, nos esprits et nos normes sont très limitées. Par exemple, lorsque l’on considère le concept de qualité de vie, la plupart des gens placent la prospérité économique comme leur priorité absolue. Une personne qui est payée 50 mille dollars par an mais travaille 50 heures par semaine est préférable à une personne qui reçoit 40 mille dollars et ne travaille « que » 40 heures.
Je ne critique pas cette préférence de valeur économique. Au contraire, je me concentre sur la limitation des valeurs. La société devrait devenir plus diversifiée et démocratisée en termes de valeurs permettant d’outrepasser les frontières. La valeur économique ne devrait pas être le seul critère de bonheur pour les individus.
Pour ce faire, la psyché de notre société doit changer. Le comportement est le résultat de sa mentalité. Par conséquent, lorsque les masses commencent à penser au-delà des valeurs traditionnelles, et que ces nouvelles perspectives s’accumulent, un nouveau paradigme d’une véritable démocratie dans l’esprit des individus peut se produire.
Il en ressort suite à cet article que les nations ont besoin de dépasser leurs normes et les frontières qu’elles occupent afin de concevoir des alliances globales pour tous les problèmes mondiaux à savoir résoudre les défis humains que sont les batailles frontalières, le partage de valeurs communes, le changement climatique et bien d’autres.
Citations de Asia Research News / Jisoo Lee
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