Des piles à combustible implantables, fabriquées par le MIT, pourraient alimenter les prothèses neuronales qui aident les patients à reprendre le contrôle de leurs membres.
Des ingénieurs du MIT ont développé une pile qui fonctionne sur le même sucre qui alimente les cellules humaines : le glucose. Cette pile à combustible de glucose pourrait être utilisée pour piloter des implants cérébraux très efficaces à l’avenir, ce qui pourrait aider les patients paralysés à bouger les bras et les jambes de nouveau.
La pile à combustible, décrite dans l’édition de la revue PLoS ONE du 12 Juin, dépouille les électrons des molécules de glucose afin de créer un petit courant électrique. Les chercheurs, dirigés par Rahul Sarpeshkar, professeur agrégé de génie électrique et informatique au MIT, ont fabriqué la pile à combustible sur une puce de silicium, ce qui lui permet de s’intégrer avec d’autres circuits qui seraient nécessaires pour un implant cérébral.
L’idée d’une pile de glucose n’est pas nouvelle : dans les années 1970, les scientifiques ont montré qu’ils pouvaient alimenter un stimulateur cardiaque avec une pile de glucose, mais l’idée a été abandonnée au profit de batteries lithium-ion, qui pouvaient fournir beaucoup plus de puissance par unité de surface que les piles glucoses. Ces dernières ont également utilisé des enzymes qui se sont avérées impraticables pour des implants à long terme dans le corps, car elles ont fini par cesser de fonctionner efficacement.
Le changement apporté dans la nouvelle pile du MIT, décrite dans la revue PLoS ONE, provient de son support à base de silicium, utilisant la même technologie que les puces électroniques semi-conductrices classiques. La pile n’a pas de composants biologiques : elle se compose d’un catalyseur de platine qui prive les électrons via le glucose, imitant l’activité des enzymes cellulaires qui décomposent le glucose pour produire l’ATP, monnaie d’échange énergétique de la cellule (le platinum a fait ses preuves à long terme de biocompatibilité dans le corps). Jusqu’à présent, la pile à combustible peut générer jusqu’à des centaines de microwatts – assez pour alimenter un implant neural cliniquement utile qui ne demande qu’une puissance extrêmement faible.
« Il faudra encore attendre quelques années pour que dans l’avenir des gens avec des blessures de la moelle épinière puissent recevoir de tels systèmes implantables dans le cadre de soins médicaux standard, mais ce sont avec ces sortes de périphériques que vous pourrez envisager ‘alimenter une pile à combustible », explique Benjamin Rapoport, un ancien étudiant diplômé du laboratoire Sarpeshkar et le premier auteur de la nouvelle étude du MIT.
Rapoport a calculé que, en théorie, la pile de glucose pourrait obtenir tout le sucre dont elle a besoin du Liquide Céphalo-Rachidien (LCR) qui baigne le cerveau et le protège des chocs dans le crâne. Il y a très peu de cellules dans le LCR, il est donc hautement improbable qu’un implant situé dedans puisse provoquer une réponse immunitaire. Il y a également une quantité importante de glucose dans le LCR, qui n’est généralement pas utilisé par le corps. Puisque seule une petite fraction de la puissance disponible est utilisée par la pile, l’impact sur les fonctions du cerveau serait probablement faible.
Karim Oweiss, un professeur agrégé de génie électrique, informatique et dans les neurosciences à l’Université du Michigan, affirme que ces travaux sont une bonne étape vers l’élaboration de dispositifs médicaux implantables qui ne nécessitent pas de sources d’alimentation externes.
« C’est une preuve de concept qui peut générer assez de puissance pour répondre aux exigences », explique Oweiss, ajoutant que la prochaine étape sera de démontrer que cela peut fonctionner sur un animal vivant.
Une équipe de chercheurs de l’Université Brown, du Massachusetts General Hospital et d’autres institutions ont récemment démontré que les patients paralysés pouvaient utiliser une interface cerveau-machine pour déplacer un bras robotisé ; ces implants doivent, pour le moment, être branchés sur une prise murale.
Imiter la biologie avec la microélectronique
Le groupe Sarpeshkar est devenu leader dans le domaine de l’électronique de très faible puissance, après avoir lancé de telles conceptions pour les implants cochléaires et implants cérébraux. « La pile à combustible de glucose, lorsqu’elle est combinée avec ces composants électroniques d’ultra-faible puissance, peut permettre à des implants cérébraux ou d’autres implants d’être totalement auto-alimenté », dit Sarpeshkar, auteur du livre ‘Ultra Low Power Bioelectronics’. Ce livre explique comment la combinaison de l’ultra-basse consommation d’énergie et des matériaux de très faibles énergies peuvent permettre l’auto-alimentation d’appareils pour des applications médicales, bio-inspirées et portables.
Le groupe Sarpeshkar a travaillé sur tous les aspects des interfaces cerveau-machine implantables et des prothèses neuronales, y compris l’enregistrement des signaux nerveux, leurs stimulations, leurs décodages et la communication sans fil avec des implants. Une telle prothèse neurale est conçue pour enregistrer l’activité électrique de centaines de neurones dans le cerveau moteur du cortex, qui est responsable du contrôle du mouvement. Ces données sont amplifiées et converties en un signal numérique afin que les ordinateurs – ou dans le cas des travaux de l’équipe Sarpeshkar, des puces neuronales – puissent analyser et déterminer les schémas de déplacement des produits de l’activité cérébrale.
La fabrication de la pile à combustible de glucose a été réalisée en collaboration avec Jakub Kedzierski du MIT Lincoln Laboratory. « Cette collaboration avec le Lincoln Lab nous a aidé à définir un objectif à long terme – pour créer des circuits bioélectroniques ‘gluco-alimentés’ – afin de faire ce projet une réalité », dit Sarpeshkar. Bien qu’il vienne de commencer à travailler sur l’exploitation de mise sur le marché, il signale que les développements des dispositifs médicaux gluco-alimentés implantables prendront encore de nombreuses années.
Citations du MIT
Crédit image et légende : Sarpeshkar Lab – Cette plaquette de silicium est constituée de cellules de carburant de glucose de différentes tailles; la plus grande a une dimension de 64 par 64 mm.
Dans un contexte caniculaire où un « implanté » est soumis à la force centrifuge, obtiendra t’on de la barbe à papa ?