Les traitements homosexuels ne fonctionnent pas, mais les bannir n’aide personne

Les traitements homosexuels ne fonctionnent pas, mais les bannir n’aide personne

Les traitements homosexuels ne fonctionnent pas, mais les bannir n’aide personne 300 317 Sébastien BAGES

Les thérapies qui prétendent changer des homosexuels en personnes hétéros sont haineuses et dangereuses, mais les interdire ne convaincra pas leurs partisans.


Est-ce que les thérapies peuvent mettre les personnes gaies dans le moule ? Il peut paraître étrange de poser cette question à notre époque, mais les thérapies réparatrices (ou plutôt de conversion) sont de retour dans les actualités. Le mois dernier, le gouverneur de Californie, Jerry Brown, a signé une loi interdisant la thérapie réparatrice pour les mineurs. Quelques jours plus tard, le groupe juridique des chrétiens, le Pacific Justice Institute, l’a poursuivi pour arrêter sa mise en œuvre, pour des raisons à la fois de liberté d’expression et d’intrusion de la vie privée dans les relations entre les thérapeutes et les familles.

La thérapie réparatrice est utilisée principalement dans les communautés religieuses conservatrices, où le comportement homosexuel est considéré comme un péché. Il est basé sur l’hypothèse erronée que l’homosexualité est un désordre mental – une position qui a été complètement rejetée par la psychiatrie traditionnelle en 1973.

Ainsi, il peut sembler que l’interdiction par la Californie est une bonne chose. Pas nécessairement. L’affaire soulève d’importantes questions sur le rôle du gouvernement dans la promotion de l’égalité pour les minorités réprimées.

Tout d’abord, permettez-nous d’être clair : nous ne défendons pas la thérapie réparatrice. Loin de là. L’American Psychological Association a averti qu’il est au mieux inutile, au pire, potentiellement dangereux, de stigmatiser une orientation sexuelle immuable. Les études citées par l’APA suggèrent que la thérapie peut mener à l’anxiété, la dépression et à un risque élevé de suicide chez certaines personnes.

Le principal élément de preuve en faveur de la thérapie réparatrice provenait d’un rapport de 2003, publié dans les Archives of Sexual Behavior (vol 32, p 403), par Robert Spitzer, de la New York State Psychiatric Institute. Il a indiqué que certains participants se sont identifiés comme hétérosexuels après la thérapie. Toutefois, l’étude n’a pas examiné les réels penchants sexuels ou les fantasmes érotiques, et l’échantillon se composait principalement de conservateurs religieux désireux de s’identifier comme hétérosexuel. L’étude de Spitzer a été soumis à de sévères critiques, et Spitzer lui-même s’est désavoué en 2012, s’excusant auprès de la communauté gay.

En d’autres termes, les données actuelles suggèrent que la thérapie réparatrice est inutile, voire dangereuse. Toutefois, cela ne signifie pas nécessairement qu’elle devrait être interdite.

Tout d’abord, il convient de noter que de nombreuses formes de psychothérapie sont nuisibles. Dans un rapport classique, publié dans la revue Perspectives sur la Psychologie Scientifique (vol 2, p 53), Scott Lilienfeld, de l’Université Emory à Atlanta, en Géorgie, détaille un certain nombre de thérapies qui sont nuisibles à suivre. Celles-ci en comprennent certaines bien connues telles que la Rebirthing Thérapy (thérapie de la renaissance) et la thérapie de la mémoire retrouvée et de la communication facilitée – qui permet soi-disant aux enfants souffrant de graves troubles du développement de communiquer plus aisément.


Mais cela comprend également des approches traditionnelles telles que les camps d’entraînement pour les jeunes ayant des problèmes de comportement, d’abus de drogues et de résistance à l’éducation (DARE) et le Scared Straight (la dissuasion par la peur), qui visent à effrayer les adolescents éloignés des zones de criminalité en les exposant à la prison. Si l’intention de l’interdiction de la Californie était d’éliminer les traitements potentiellement dangereux, pourquoi ne pas interdire aussi ceux-ci ? Parmi les thérapies nuisibles énumérées par Lilienfeld, seul le rebirth a été interdit, et seulement dans deux états. Même la lobotomie n’est pas interdite aux États-Unis. Les camps et les programmes DARE sont mandatés par la justice ou les écoles pour certains enfants. En tant que tel, leur impact potentiellement négatif est tout aussi grand que pour la thérapie réparatrice.

Bien sûr, la question de la thérapie réparatrice fait appel à un récit plus large sur les droits des homosexuels et la truculence des conservateurs religieux en reconnaissant l’égalité. Peut-être que la thérapie réparatrice semble tout simplement plus odieuse et est donc particulièrement désagréable. Mais des programmes comme les camps Scared Straight et DARE sont destinées aux adolescents, et sont sans doute tout aussi haineux – des hommes comme le sociologue Mike Males de Center on Juvenile and Criminal Justice (Centre judiciaire et pénal pour mineurs), basé à San Francisco, note que les adolescents ont tendance à être des punching-balls sempiternels de la société.

Bien que la réglementation gouvernementale puisse réguler la thérapie réparatrice, Nous ne pouvons être convaincu que ce soit le meilleur moyen d’y remédier. Le cœur de cette question est l’entêtement de certaines personnes à accepter le fait que des adultes consentants mènent une vie sexuelle différente de la leur. Ainsi, le doute demeure sur ce que la réglementation fera réellement à ce problème fondamental. Comme nous l’avions dit plus haut, cette action pourrait même se retourner, convaincre plus encore les conservateurs religieux qu’ils sont sous le feu d’une culture de plus en plus laïque et libéralisée. Il semble peu probable que les familles et les thérapeutes qui n’ont pas écouté les avertissements de l’APA sur la thérapie réparatrice, soit maintenant influencés par l’État de Californie.

Sur un plan plus général, il semble que le gouvernement doit être prudent dans la lutte contre les problèmes sociaux, en particulier lors de l’utilisation des données en sciences sociales. « L’étude de Spitzer est peut-être un cas d’école », a expliqué Christopher J. Ferguson, professeur assistant en psychologie et en justice criminelle, « mais il y a de plus en plus de problèmes dans ce domaine, nous reconnaissons que nous avons un souci avec la flexibilité de la méthodologie, ce qui signifie que nos procédures d’analyse de données sont si mauvaises, qu’il n’est pas possible de ‘prouver’ quoi que ce soit ».

Le consensus à n’importe quel point dans le temps est largement inutile. Les choses dont les scientifiques sont certains aujourd’hui seront à la poubelle de la science demain.

Cela était évident lors de cas examinés l’année dernière. Par exemple, lorsque la Cour suprême américaine a débouté la tentative par la Californie (encore) d’interdire les ventes des jeux vidéo violents aux mineurs, en partie parce que les arguments scientifiques se sont révélés infondés. Il y a dix ans, les chercheurs pensaient que les jeux vidéo violents causaient des agressions. Il est actuellement de plus en plus clair qu’il n’y a jamais eu aucune preuve concrète. « Je doute que la thérapie réparatrice trouve tout de même une validation, mais je m’inquiète que la science sociale devienne la base d’enjeux politiques », a soumis Ferguson.

Les femmes et les hommes gais ont bénéficié d’une libéralisation générale de notre culture. In fine, « je ne crois pas que c’est quelque chose qui peut être appliqué par voie législative. La volonté d’interdire la thérapie réparatrice est compréhensible, mais à part pour une victoire symbolique, je crains que cela n’ait pas l’effet escompté », a conclut Ferguson.


Citations de New Scientist
Crédit images À-la-Une : Image d’illustration – © Andrzej Krauze

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Sébastien BAGES

Plus de trois années de travail passionné sur Civilisation 2.0 Actus, et fondateur de l'association Civilisation 2.0, je mets à contribution mon expertise de veille technique et scientifique, mon analyse de chef de projet, mon engouement pour la science et ses outils, et mon expérience dans le développement stratégique afin d'offrir à tous ce qui en résulte.

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