Les soldats qui profanent les morts se considèrent comme des chasseurs

Les soldats qui profanent les morts se considèrent comme des chasseurs

Les soldats qui profanent les morts se considèrent comme des chasseurs 1513 766 Sébastien BAGES

Les soldats des temps modernes qui mutilent les cadavres ennemis ou prennent des parties de corps comme trophées sont en général considérés souffrir des contraintes extrêmes de la bataille. Mais, la recherche financée par le Conseil Économique et Social de la Recherche (ESRC) montre que ce genre de faute a été le plus souvent réalisé par des combattants qui ont vu l’ennemi comme racialement différent d’eux et ont utilisé des images de la chasse pour décrire leurs actions.


« Les racines de ce comportement ne résident pas dans les différents troubles psychologiques », explique le professeur Simon Harrison, qui a réalisé l’étude, « mais dans une histoire sociale du racisme et dans les traditions militaires qui utilisent des métaphores de chasse pour la guerre. Bien que cette faute soit très rare, elle a persisté dans des modèles prévisibles depuis l’Europe des Lumières. Ce fut la période où les idéologies des races supérieures ont commencé à apparaître, la classification des populations humaines comme plus proches des animaux que les autres ».

Les soldats Nord-Européens et Américains, qui ont mutilé les cadavres ennemis, semblent avoir dépeint des distinctions raciales de ce genre entre les ennemis proches et lointains. Ils « se sont battus » contre leurs ennemis proches, et les corps sont restés intacts dans leur pensée après la mort, mais ils ont « chassé » leurs ennemis lointains et ces personnes sont devenues comme des trophées qui démontrent des compétences masculines.

Presque toujours, seuls les ennemis considérés comme appartenant à d’autres « races » ont été traités de cette façon. « Il s’agit d’une forme spécifiquement racialisée de la violence », suggère le professeur Harrison, « et cela pourrait être considéré comme un type de crime de haine raciste spécifique au personnel militaire en temps de guerre ».

Les gens ont tendance à associer la chasse aux têtes et la prise d’autres trophées avec des actes « primitive » de guerre. Ils considèrent que les batailles de guerres sont menées par des militaires professionnels rationnels et humains. Cependant, ces contrastes sont trompeurs. L’étude montre que les associations symboliques entre la chasse et la guerre peuvent donner lieu à un comportement anormal, comme la prise de trophées dans les organisations militaires modernes, où ces deux-ci sont remarquablement proches de certaines sociétés autochtones où des pratiques telles que la chasse aux têtes étaient une composante reconnue de la culture.

Dans les deux cas, la mutilation des morts ennemis se produit lorsque les ennemis se voient représenter comme des animaux ou des proies. Certaines parties du corps sont enlevées comme des trophées de « la mise à mort ». Les métaphores de la « guerre-comme-une-chasse », qui se trouvent à la racine d’un tel comportement, sont encore fortes dans certaines forces armées en Europe et en Amérique du Nord – non seulement dans les formations militaires, mais aussi dans les médias et dans les propres auto-perceptions des soldats.

Le Professeur Harrison donne l’exemple de la Seconde Guerre mondiale et montre que la prise de trophée était rare sur le champ de bataille européen, mais était relativement commune dans la guerre du Pacifique, où certains soldats alliés ont gardé des crânes de combattants japonais comme souvenirs ou comme cadeaux faits de leurs restes, lors du retour à la maison.


L’étude donne aussi une comparaison plus récente : il ya eu des incidents en Afghanistan, dans lesquels le personnel de l’OTAN a profané les cadavres de combattants talibans, mais il n’y a pas de preuves d’inconduite survenue d’un tel dans les conflits de l’Ex-Yougoslavie où les forces de l’OTAN étaient beaucoup moins susceptibles d’avoir considéré leurs adversaires racialement « lointain ».

Mais, il serait erroné de laisser entendre que de tels comportements soient liés uniquement à une tradition. Ces pratiques ne sont généralement pas enseignées de manière explicite. En effet, ils semblent être vite oubliés après la fin des guerres et les anciens combattants ne sont souvent pas au courant de la mesure dans lesquels ils se sont produits.

En outre, les attitudes envers les trophées eux-mêmes changent à mesure que l’ennemi cesse d’être l’ennemi. L’étude montre comment les restes humains conservés par les soldats alliés après la guerre du Pacifique sont devenus des objets de mémoire non désirés au fil du temps, souvent les ex-militaires ou leurs familles les ont donnés à des musées. Dans certains cas, les anciens combattants ont fait de grands efforts pour rechercher les familles de soldats japonais en vue de restitution de leurs restes pour se déconnecter d’un passé troublant.

Le Professeur Harrison conclut que la prise d’un trophée d’homme est la preuve de la puissance de la métaphore dans la structuration et la motivation du comportement humain. « Cela se reproduira, sous une forme ou une autre, lorsque la guerre, la chasse et la masculinité seront de nouveau conceptuellement liées », dit-il. « L’interdiction n’est clairement pas suffisante pour y empêcher. Nous devons reconnaître les dangers de la guerre dépeinte en terme d’image de chasse ».

La question qui pourrait nous brûler les lèvres suite à cette étude, est que si les soldats considéraient « leurs ennemis » comme leur semblable, seraient-ils toujours des militaires ?

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Citations de EurekAlert, via le Conseil Économique et Social de la Recherche

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Sébastien BAGES

Plus de trois années de travail passionné sur Civilisation 2.0 Actus, et fondateur de l'association Civilisation 2.0, je mets à contribution mon expertise de veille technique et scientifique, mon analyse de chef de projet, mon engouement pour la science et ses outils, et mon expérience dans le développement stratégique afin d'offrir à tous ce qui en résulte.

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