L’épidémie anti-vaccinale

L’épidémie anti-vaccinale

L’épidémie anti-vaccinale 783 457 Sébastien BAGES

La coqueluche, les oreillons et la rougeole font un retour alarmant, accompagnés de la tuberculose, du tétanos et de tous les copains. La faute aux campagnes anti-vaccinales d’une part et à des abus de publicités d’autres parts.



© INVS

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Près de 8000 cas de coqueluche ont été signalés à la Direction de santé publique de la Californie jusqu’à présent cette année 2014. Plus de 250 patients ont été hospitalisés, presque tous des nourrissons et des jeunes enfants, et 58 ont eu besoin de soins intensifs. Pourquoi est-ce qu’une infection respiratoire évitable fait un retour fracassant ? En grande partie à cause de la faible couverture vaccinale, comme une histoire rapportée plus tôt le mois dernier dans le Hollywood Reporter. En France le nombre de cas à partir de 2008 a été en très nette progression. Pour la rougeole, en 2011, il y a eu près de 15.000 nouveaux cas (voir diagramme) [1].

Les discours sur la vaccination ont changé. Dans les années 1990, lorsque les nouveaux vaccins ont fait leur apparition, les médias ont été obsédés dans la diffusion d’une idée de masse exposant que les vaccins faisaient plus de mal que de bien. On nous avait dit que le vaccin ROR pourrait être la cause de l’autisme, que le vaccin contre l’hépatite B donnait la sclérose en plaques, que le Thimérosal – un adjuvant ethyl-mercure présent dans certains vaccins – pourrait être la cause d’un retard de développement, ou encore qu’il y avait trop de vaccins inoculés trop tôt et donc détruisant à jamais le système immunitaire de l’enfant en lieu et place de son « système immunitaire naturel ».

Ensuite, ces histoires ont disparu. Une des raisons est que études après études, ces préoccupations étaient prouvées comme n’étant pas fondées. Un célèbre rapport de 1998 prétendant montrer un lien entre vaccins et autisme(s) avait été banni par The Lancet, la revue médicale qui l’avait originellement publié. L’étude n’était pas seulement spectaculairement fausse, comme plus d’une douzaine d’études l’ont montré (en suivant la méthode scientifique de réplication des tests), mais elle avait été aussi frauduleuse (voir comment repérer de la mauvaise science). L’auteur, le chirurgien britannique Andrew Wakefield, a depuis été dépouillé de sa licence médicale après avoir falsifié plusieurs études.

Trop tard, le mal était fait. Sans compter les parents qui sont devenus effrayés par les vaccins. En conséquence, de nombreux parents choisissent maintenant de retarder, suspendre, de séparer ou d’espacer les vaccins. Certains ne vaccinent pas leurs enfants du tout. Une étude de 2006 dans le Journal de l’American Medical Association a montré qu’entre 1991 et 2004, le pourcentage d’enfants dont les parents avaient choisi de ne plus participer à la vaccination a augmenté de 6% par an, ce qui entraîne une augmentation de plus du double.

Aujourd’hui les médias couvrent la suite de cette histoire, les flambées de maladies inévitables évitables par la vaccination : la plupart des enfants qui n’ont pas été vaccinés. Certains parents qui ont choisi de ne pas vacciner ont été influencés par la couverture médiatique inexacte d’origine.

Par exemple, entre 2009 et 2010 plus de 3500 cas d’oreillons ont été signalés à New York et ses environs. En 2010, la Californie a connu une épidémie de coqueluche plus grande encore que ce foyer-là, du jamais vu depuis 1947, dix enfants sont morts. Mi-2012, Washington se désolait de 2520 cas de coqueluche, une augmentation de 1300% par rapport à l’année précédente, et la plus importante depuis 1942. Alors qu’en même temps 600 cas de rougeole se sont manifestés aux USA : la plus grande épidémie en 20 ans dans un pays où cette maladie était considérée par les Centres de prévention et de contrôle des maladies comme éradiquée en 2000.

Mais qui fait ce choix de ne pas vacciner aux USA ? La réponse est surprenante. La région avec le plus de cas de coqueluche se situe en Californie et à Los Angeles, aucun autre groupe a des taux de vaccination plus bas que les résidents vivant entre Malibu et Marina Del Rey, zone résidentielle dont les banlieues sont les plus riches du pays. À l’Académie des enfants de la Kabbale à Beverly Hills, 57% des enfants sont vaccinés. Au Centre de petite enfance Waldorf à Santa Monica, ils sont 68%, selon l’analyse de l’Hollywood Reporter issue des données de santé publique.

Ce sont le genre de taux de vaccination qui peuvent être trouvés au Tchad ou au Soudan du Sud. Mais les parents de Beverly Hills et de Santa Monica voient les vaccins contre nature, quelque chose qui est en conflit avec leur mode de vie sain. Et ils n’ont aucun problème à trouver des pédiatres prêts à répondre à leurs croyances irrationnelles.

Ces parents sont presque uniformément très instruits, mais ils font un choix inculte. C’est aussi un choix dangereux : les enfants non vaccinés contre la coqueluche sont 24 fois plus susceptibles d’attraper la maladie. En outre, environ 500.000 personnes aux États-Unis ne peuvent pas être vaccinés, soit parce qu’ils reçoivent une chimiothérapie pour un cancer ou effectuent des thérapies à l’aide d’immunosuppresseurs pour les maladies chroniques, ou parce qu’ils sont trop jeunes. Cela dépend donc de leur entourage de se faire vacciner. Sinon, ils sont souvent les premiers à souffrir. Et parce qu’aucun vaccin n’est efficace à 100%, tout le monde, même ceux qui sont vaccinés, est une population à risque.

Les parents pourraient envisager d’observer ce qui s’est passé dans d’autres pays où un grand nombre de parents ont choisi de ne pas vacciner leurs enfants. Au Japon, par exemple, qui avait pratiquement éliminé la coqueluche dès 1974, a subi un mouvement activiste anti-vaccin avec des taux de non-vaccination chutant de 10% en 1976 à 80% en 1974. En 1979, près de 13.000 cas de coqueluche et 41 décès sont survenus.

Il y a un autre problème : nous n’avons tout simplement plus peur de ces maladies. Les enfants de la génération des années 1920-30 et leurs parents n’avaient pas besoin de se faire convaincre de vacciner leurs enfants. Ils ont vu que la coqueluche pouvait tuer plus de 8000 bébés par an. Vous n’aviez pas à convaincre les générations des années 1950-60 de vacciner leurs enfants. Toutes les écoles avaient des enfants ayant leur coqueluche, des enfants atteints de tétanos, des oreillons ou de rubéole, avec des encarts au portillon aussi fréquent que ceux qui sont affichés pour les poux… mais montrant régulièrement que tel ou tel enfant était mort et qu’il fallait donc prendre les dispositions nécessaires. Il y a eu beaucoup de ces maladies. Mais les jeunes parents d’aujourd’hui ne voient pas les effets des maladies évitables par la vaccination puisqu’ils n’ont pas grandi avec eux. Pour eux, la vaccination est devenue un acte de foi.

© INSERM - Source

© INSERM – Source

Peut-être le plus troublant était une étude récente de l’Hôpital pour enfants de Seattle et de l’Université de Washington. Les chercheurs voulaient savoir si l’épidémie de coqueluche de 2012 avait inspiré plus de personnes à vacciner leur(s) enfant(s). Donc, ils ont étudié les taux de vaccination contre la coqueluche avant, pendant et après l’épidémie. Aucune différence. On ne peut que conclure que l’épidémie n’avait pas été assez grande, forte ou effrayante pour changer les comportements, il n’y a tout simplement pas eu assez d’enfants morts.

Parce que nous sommes peu disposés à apprendre de l’Histoire, nous commençons à la revivre. Et les enfants sont les victimes de notre ignorance. Une ignorance qui, ironiquement, est masquée par l’éducation, la richesse et les privilèges.



Plus d’informations pour les statistiques françaises mises à dispositions sur le site de l’Institut National de Veille Sanitaire.
Citations traduites du Wall Street Journal, Pr. Offit en science pédiatrique de l’hôpital pour enfants de Philadelphie. Article original tous droits réservés WSJ. Traduction tous droits réservés à Civilisation 2.0 Actus. Reproduction autorisée de 10% de l’article sans limitation avec crédit.

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About the author

Sébastien BAGES

Plus de trois années de travail passionné sur Civilisation 2.0 Actus, et fondateur de l'association Civilisation 2.0, je mets à contribution mon expertise de veille technique et scientifique, mon analyse de chef de projet, mon engouement pour la science et ses outils, et mon expérience dans le développement stratégique afin d'offrir à tous ce qui en résulte.

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