Les produits chimiques toxiques font des ravages sur les cellules, endommageant l’ADN et d’autres molécules essentielles. Une nouvelle étude des chercheurs du MIT et de l’Université d’Albany révèle comment un système d’intervention d’urgence moléculaire change la cellule avec un mode de contrôle des dommages, et lui permet de survivre à de telles attaques, par la production rapide de protéines ayant pour rôle de contrecarrer le mal.
Peter Dedon, professeur de génie biologique au MIT, et ses collègues avaient déjà montré que les cellules, traitées avec des poisons tels que l’arsenic, altèrent la modification chimique de molécules – connues sous le nom d’ARN de transfert (ARNt) – qui fournissent les blocs constitutifs de la protéine dans une cellule. Dans leur nouveau livre, apparaissant dans le numéro Nature Communications du 3 juillet, l’équipe de recherche a travaillé sur la façon dont ces modifications aident les cellules à survivre.
Les chercheurs ont constaté que les stress toxiques reprogramment les modifications de l’ARNt qui mettent en fonction un système détournant les machines construisant les protéines de la cellule de ses activités ordinaires pour une action de secours. « En fin de compte, un mécanisme par étapes conduit à l’expression sélective de protéines dont vous avez besoin pour survivre », a simplifié Dedon, auteur principal de l’article de Nature Communications.
Les résultats donnent un aperçu de la réponse, non seulement des cellules à des toxines, mais aussi leurs réactions à toutes sortes de stimulus, tels que les nutriments ou les hormones. Dedon a exprimé que « nous proposons que chaque fois qu’il y a un stimulus, vous allez avoir une reprogrammation [de l’ARNt] qui provoque la traduction sélective de protéines dont vous avez besoin, pour la prochaine étape dans ce que vous allez faire ».
L’auteur principal du document est un nouveau doctorant du MIT, Clement Chan. D’autres auteurs du MIT ont contribué à cette analyse : les postdoctorants Yan Ling Joy Pang et Wenjun Deng, et le scientifique chercheur Ramesh Indrakanti. Les auteurs de l’Université d’Albany sont Thomas Begley, professeur agrégé de nanobioscience, et le chercheur scientifique Madhu Dyavaiah.
Un nouveau rôle pour l’ARN
L’ARN de transfert est faite de 70 à 90 blocs de construction ribonucléotide. Après la synthèse, les ribonucléotides subissent habituellement des dizaines de modifications chimiques qui modifient leur structure et leur fonction. La tâche principale de l’ARNt est d’apporter des acides aminés aux ribosomes, qui les lient ensemble pour fabriquer des protéines.
Dans un document de 2010, Dedon et ses collègues ont exposé des cellules de levure à différents produits chimiques toxiques, y compris le peroxyde d’hydrogène, l’eau de Javel et l’arsenic. Dans chaque cas, les cellules ont répondu par l’unique reprogrammation de l’emplacement et de la quantité de chaque modification d’ARNt. Si les cellules ont perdu la capacité de reprogrammer les modifications, elles étaient beaucoup moins susceptibles de survivre à l’attaque toxique.
Dans la nouvelle étude, les chercheurs se sont concentrés sur une modification particulière de l’ARNt, connue sous le nom m5C, qui survient lorsque les cellules rencontrent le peroxyde d’hydrogène, une substance chimique produite par les globules blancs.
Ils ont découvert que cette modification se produit principalement dans l’un des ARNt qui transportent l’acide aminé de la leucine. Chaque acide aminé est codé par trois lettres qui sont des séquences dans le génome appelé codons. Chaque ARNt correspond à un acide aminé, mais ceux-ci peuvent être codés par différentes séquences d’ARNt. Par exemple, la leucine peut être codée par six séquences génomiques différentes : TTA, TTG, CTT, CTC, CTA et CTG.
L’information contenue dans les séquences de gènes est dévolue aux ribosomes sous la forme d’ARN messager (ARNm). Au ribosome, les molécules d’ARNt sont doublées avec les codons d’ARNm appropriés, et leurs acides aminés sont ajoutés à la protéine.
Les chercheurs ont constaté que les modifications de M5C se rattachent à la première lettre de la séquence d’ARNt de la leucine qui se paire avec le codon TTG, faisant en sorte que l’ARNt soit plus fortement lié aux ribosomes. Ils ont ensuite parcouru le génome de la levure, dans lequel la plupart des codons de leucine se composent de TTG.
Ils ont constaté que sur les 6000 gènes dans la levure, environ 40 ont plus de 90% de leurs leucines codées par la séquence TTG. La moitié d’entre elle s’est avérée être des protéines qui composent les ribosomes. Les chercheurs se sont concentrés sur une paire de protéines ribosomales connues sous le nom RPL22A et RPL22B, ayant la capacité se substituer à l’autre, altérant légèrement l’activité du ribosome. RPL22A a 100% de ses leucines codées par TTG, tandis que 40% de RPL22B est codé en TTG. Cela signifie que lorsque le peroxyde d’hydrogène est présent, provoquant une augmentation de la modification m5C de l’ARNt de la leucine qui correspond au codon TTG, la cellule produit beaucoup plus de protéines RPL22A.
Par conséquent, les ribosomes de la cellule deviennent principalement composés de RPL22A, et ce genre de ribosome assemble préférentiellement les protéines nécessaires pour répondre aux dommages du peroxyde d’hydrogène. « Vous avez besoin de cette sorte d’intervention d’urgence du ribosome de fabriquer les protéines critiques », a mis en avant Dedon. En effet, les chercheurs ont constaté que le peroxyde d’hydrogène a augmenté de nombreux types différents de protéines à partir des gènes enrichis en TTG.
Exploiter le code génétique
Dans l’article, Dedon a signalé que « la recherche propose également de mieux comprendre comment les cellules ont exploité avec succès la redondance du code génétique ».
« Nous avons plusieurs codons pour chaque acide aminé. Ce que la cellule semble faire est d’utiliser ces affinages d’expressions ultimes de cette protéine », a-t-il dit. « Probablement, ce que nous allons trouver, c’est un code dans l’utilisation des codons dans le génome, où les classes de protéines sont regroupées par ce que la cellule a besoin pour une réponse à un stress particulier ».
« Alors que de nombreux scientifiques ont découvert la façon dont les modifications chimiques de l’ADN et des protéines modifient le comportement des cellules, ce n’est que récemment qu’ils ont commencé à découvrir le rôle important des changements induit par l’ARN », a expliqué Chuan Lui, professeur de chimie à l’Université de Chicago.
« Cette publication est une merveilleuse pièce de travail qui montre vraiment que l’ARNt peut avoir un impact extrême sur l’expression des gènes », a-t-il conclut. Le Pr Lui ne faisait pas partie de l’équipe de recherche.
Citations du MIT
Crédit image À-la-Une : Wikipédia / Yikrazuul – Structure Rayon-X d’un ARNt de levure.
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