C’est officiel. Dans un futur très proche les gens qui ont perdu leur audition pourront la recouvrir grâce à l’injection d’un virus inoffensif portant un gène qui doit déclencher la repousse des récepteurs sensoriels de leurs oreilles !
Échelonné sur un délai de deux mois, un groupe de personnes atteintes de surdité profonde pourrait être en mesure d’entendre à nouveau, grâce au premier essai de thérapie génique dans le monde de la surdité.
Des volontaires, qui ont perdu leur audition par une avarie ou une maladie quelconque, recevront une injection d’un virus inoffensif contenant un gène qui doit déclencher la repousse des récepteurs sensoriels de l’oreille.
L’idée est que cette méthode renvoie à un ressenti plus naturel pour l’audition que ce que les autres techniques pourraient fournir. Les prothèses auditives amplifient simplement des sons, tandis que les implants cochléaires transforment les ondes sonores en ondes électriques que le cerveau interprète, mais actuellement ces techniques ne prennent pas en compte toutes les fréquences que l’on entend naturellement. Cela signifie que les gens peuvent trouver difficile de distinguer un grand nombre de nuances dans la voix et la musique.
« Le Graal est d’offrir aux gens le retour à une audition naturelle », a souhaité Hinrich Staecker de l’Université du Kansas Medical Center, qui dirige les essais cliniques. « C’est ce que nous espérons faire – nous sommes essentiellement en train de réparer l’oreille plutôt que d’imiter artificiellement ce qu’elle fait ».
Il y a encore beaucoup de choses que nous ignorons sur le fonctionnement de l’oreille. C’est entre autres parce que le mécanisme délicat de l’oreille interne est cloisonné dans l’os le plus dur du corps, ce qui rend difficile d’isoler des parties sans causer des dommages.
Ce que nous savons, c’est que les ondes sonores sont canalisées dans l’oreille et font vibrer le tympan. Ces vibrations sont transmises à la cochlée de l’oreille interne par l’intermédiaire de trois petits os.
Des milliers de récepteurs sensoriels bordent une partie de la cochlée appelée l’organe de Corti, comme des rangées de cellules ciliées internes et externes.
Les ondes sonores, amplifiées par les cellules ciliées externes (voir image À-la-Une), faisant vibrer les cellules ciliées internes, ouvrent des canaux ioniques à leur surface qui permettent aux neurotransmetteurs de circuler à l’intérieur. Cela déclenche une activité électrique dans les neurones cochléaires, transmettant alors l’information au cerveau afin qu’elle puisse être traitée.
Les cellules ciliées internes et externes peuvent être endommagées par les bruits forts, des médicaments tels que des antibiotiques et la maladie. Et tout le monde le sait : elles ne repoussent pas. Toutefois, un pré-correctif à cet argument s’est fait sentir dès 2003, lorsque des chercheurs ont découvert que certains gènes peuvent transformer des cellules auxiliaires autant comme des cellules ciliées internes qu’externes.
Pour voir si l’un de ces gènes, appelé Atoh1, pourrait être utilisé pour améliorer l’audition, l’année dernière Staecker et ses collègues l’ont inséré dans un virus inoffensif et injecté dans la cochlée de plusieurs souris qui avaient eu la quasi-totalité de leurs cellules ciliées détruites.
Deux mois plus tard, l’audition des rongeurs s’est améliorée d’environ 20 décibels. « Il s’agit de la même différence entre entendre avec vos mains sur vos oreilles, et ce que vous entendez normalement » a dit Lloyd Klickstein, chef du service de médecine translationnelle chez Novartis, la société pharmaceutique suisse qui collabore à l’essai.
Les essais cliniques se feront sur des personnes âgées de 18 et de 70 ans. Ceux qui sont nés sourds ne seront pas inclus dans la recherche car – souvent – ils n’ont pas les structures nécessaires pour soutenir les cellules ciliées. Staecker estime que cette approche pourrait aider de 1 à 2% de toutes les personnes ayant une déficience auditive, soit jusqu’à 7 millions de personnes rien qu’aux États-Unis.
Sparadraps
Les essais débuteront à l’Université de la Faculté de Médecine du Kansas avant d’être élargis à d’autres institutions. Comme avec les souris, l’équipe va injecter l’ensemble des gènes viraux directement dans la cochlée des volontaires en retirant leur tympan et en passant une aiguille à travers un petit trou fait par un laser (voir schéma – anglais – ci-dessous). Le gène Atoh1 devrait atteindre les cellules de soutien, leur demandant de se diviser et former de nouvelles cellules ciliées. Les résultats sont attendus entre deux semaines et deux mois – au plus tard.
« Les traitements médicaux d’aujourd’hui sont en grande partie limitées aux appareils auditifs et aux implants cochléaires, qui sont essentiellement juste des pansements », a expliqué Ralph Holme, responsable de la recherche biomédicale à la mission d’action contre la perte d’audition du Royaume-Uni. « C’est pourquoi les tests prévus sont extrêmement encourageants et donnent de l’espoir aux millions de personnes touchées par la perte d’audition afin de rendre la guérison possible ».
Jeffrey Holt, de l’École de médecine d’Harvard, qui n’est pas impliqué dans les essais, n’hésite pas à qualifier cela d’avant-gardiste et se dit prudemment optimiste sur le travail. « L’espoir est grand sur des essais donnant des résultats positifs sans y introduire de complications inutiles ».
Le seul effet secondaire attendu est une brève période de vertiges et/ou des nausées, un phénomène courant après une chirurgie de l’oreille. Dans les tests pré-cliniques, les chercheurs de Novartis ont cherché à savoir si le virus s’était propagé à d’autres tissus, mais il s’est trouvé limité au seul site de l’injection. Il a également été spécialement conçu pour avoir un potentiel limité de se recombiner avec l’ADN des volontaires, il est donc peu susceptible de causer des problèmes ailleurs.
Beaucoup d’autres espèces, comme les poissons et les oiseaux, peuvent régénérer les cellules ciliées de l’oreille interne au fil du temps et créer de nouveaux circuits auditifs, a expliqué Klickstein. « Nous essayons simplement de modifier un petit peu le système mammifère afin de faire ce que beaucoup d’autres espèces font naturellement ».
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Mise à jour 19/06/2016
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Depuis 2014, les essais cliniques se poursuivent comme en atteste la page à jour de l’université du Kansas :
« 1st Clinical Trial to restore hearing
Fifteen years of research by Dr. Hinrich Staecker are behind a clinical study to implant a remarkable virus to restore hearing in patients with severe hearing loss. Dr. Staecker is accepting applicants now for phase one of the trial (source). »
Ce sont bien des tests humains sur des sujets entre 18 et 75 ans. Ces essais prendront un certain nombre d’années avant que cette technique innovante soit mise en place. Cela peut signifier également que si les tests animaux ont été effectués avec succès, les tests humains en conditions réelles d’application peuvent être seulement une semi-réussite ou un échec.
Ce qu’il ya d’important est que cela montre encore une fois que les solutions ne sont pas loin d’aboutir à des techniques de moins en moins invasives pour les traitements correctifs, par exemple bien moindre qu’un implant cochléaire.
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Citations de New Scientist
Crédits médias : © Steve Gschmeissner/SPL/NS
Perspectives incroyables, j’aurais aimé savoir ce qu’il en est des malentendants (ou sourds) de naissance, si on pouvait améliorer aussi leur condition. Ou pas.