Inverser certains gènes d’Alzheimer permet de restaurer la mémoire et d’autres fonctions [MIT]

Inverser certains gènes d’Alzheimer permet de restaurer la mémoire et d’autres fonctions [MIT]

Inverser certains gènes d’Alzheimer permet de restaurer la mémoire et d’autres fonctions [MIT] 800 533 Sébastien BAGES

Des neuroscientifiques du MIT ont montré que la surproduction d’une enzyme dans le cerveau des patients atteints d’Alzheimer stoppaient des gènes nécessaires à la production de nouveaux souvenirs. En outre, en inhibant cette enzyme chez la souris, les chercheurs ont réussi à inverser les symptômes de la maladie.


La conclusion suggère que des médicaments ciblant l’enzyme, connus sous le nom HDAC2, pourrait être une nouvelle approche prometteuse pour le traitement d’Alzheimer, qui affecte 5% de la population âgée de plus de 65 ans [source]. Le nombre de victimes dans le monde entier devrait doubler tous les 20 ans. Aux États-Unis, le président Barack Obama a fixé à 2025 la date butoir, pour trouver un traitement efficace.

Li-Heui Tsai, chef de file de l’équipe de recherche, affirme que les inhibiteurs HDAC2 pourrait aider à atteindre cet objectif, mais il faudra encore au moins dix ans pour développer et tester ces médicaments.

« Je voudrais vraiment plaider vigoureusement en faveur d’un programme énergique pour développer des agents pouvant contenir des HDAC2 actifs.» déclare Tsai, directrice de l’Institut Picower pour l’apprentissage et la mémoire au MIT. « La maladie est si dévastatrice et affecte tant de gens (…), je voudrais donc que les gens réfléchissent à cela ».

 

Modification du génome

Les histone deacetylases (HDAC) sont une famille de 11 enzymes qui contrôlent la régulation des gènes en modifiant les histones, des protéines autour desquelles l’ADN est enroulé, formant une structure appelée chromatine. Lorsque l’HDAC altère un histone, par un processus appelé désacétylation, la chromatine devient plus étroitement liée, ce qui rend les gènes de cette région moins susceptibles d’être exprimés.

Les inhibiteurs HDAC peuvent inverser cet effet, en ouvrant de nouveau l’ADN pour lui permettre d’être transcrit.

Lors de précédentes études, Tsai avait montré que l’HDAC2 est un régulateur-clé dans l’apprentissage et la mémoire. Avec la nouvelle étude, son équipe a découvert que l’inhibition de l’HDAC2 peut inverser les symptômes d’Alzheimer chez les souris.

Les chercheurs ont constaté que chez les souris présentant des symptômes d’Alzheimer, HDAC2 seulement (pas les autres HDAC), est trop abondante dans l’hippocampe, où les nouveaux souvenirs sont formés. HDAC2 a été le plus souvent trouvé fixé à des gènes impliqués dans la plasticité synaptique – la capacité du cerveau à renforcer et à affaiblir les liens entre les neurones en réponse à de nouvelles informations, ce qui est essentiel à la formation de souvenirs. Chez les souris affectées, ces gènes avaient aussi des niveaux beaucoup plus faibles d’acétylation et d’expression.

« Ce ne sont pas seulement un ou deux gènes, c’est tout un groupe qui travaillent de concert pour contrôler les différentes phases de formation de la mémoire.», dit Tsai.« Avec un tel blocus, le cerveau perd vraiment sa capacité de répondre rapidement à une stimulation. Vous pouvez imaginer que cela crée un énorme problème en termes d’apprentissage et de mémoire, et peut-être d’autres fonctions cognitives ».


Les chercheurs ont ensuite désactivé HDAC2 dans l’hippocampe d’une souris présentant des symptômes d’Alzheimer, en utilisant une molécule appelée short hairpin RNA (shRNA), qui a été conçue pour se lier à l’ARN messager (voir notre sujet sur l’ARN) – la molécule qui transporte les instructions génétiques de l’ADN vers le reste de la cellule.

Avec une activité HDAC2 réduite, l’acétylation des histones reprend, permettant aux gènes requis pour la plasticité synaptique et à d’autres processus d’apprentissage et de mémoire à être de nouveau exprimé. Chez les souris traitées, la densité synaptique a été considérablement augmentée jusqu’à retrouver une fonction cognitive normale.

« Ce résultat plaide réellement pour l’idée que s’il y a un agent pouvant sélectivement réguler à la baisse HDAC2, cela sera très bénéfique », complète Tsai.

Les chercheurs ont ainsi analysé les cerveaux post-mortem atteint de la maladie d’Alzheimer et ont trouvé des niveaux élevés de HDAC2 dans l’hippocampe et le cortex entorhinal, qui jouent un rôle important dans le stockage de la mémoire.

« Ce qui est vraiment extraordinaire, c’est qu’elle [Tsai] ait identifié quel HDAC est impliqué, et délimité la manière dont cette enzyme peut conduire à des pertes de mémoire. Il s’agit d’une étude complète et bien exécutée.» affirme Brett Langley, directeur de l’épigénétique neuronale du Centre de Réhabilitation Burke et professeur adjoint de neurologie à l’École de Médecine de Weill Cornell, qui n’a pas été impliqué dans cette recherche.

 

Renverser le blocus

« Les résultats peuvent expliquer pourquoi les médicaments, qui effacent les protéines des bêta-amyloïdes dans le cerveau des patients atteints d’Alzheimer, ont offert seulement de modestes améliorations lors des essais cliniques,» explique Tsai.

Les protéines bêta-amyloïdes sont connues, car elles s’agglutinent dans le cerveau, en interférant avec un type de récepteur cellulaire nécessaire à la plasticité synaptique. La nouvelle étude démontre que ces protéines stimulent également la production de HDAC2, initiant de ce fait un blocus contre les gènes d’apprentissage et de la mémoire.

« Nous pensons qu’une fois le blocus épigénétique de l’expression des gènes est en place, le seul nettoyage des bêta-amyloïdes n’est peut-être pas suffisant pour rétablir une configuration active de la chromatine », signale Tsai.

L’appel des inhibiteurs HDAC2, affirme Tsai, est qu’ils pourraient renverser les symptômes, même après un blocus bien établi. Cependant, il faudra attendre le développement de médicaments et encore plus longtemps avant qu’un tel composé puisse entrer en essais cliniques.« C’est vraiment difficile à prédire, les essais cliniques pourraient être probablement dans cinq ans sur toute la ligne. Et si tout va bien, devenir un médicament approuvé dans probablement 10 ans.»

Quelques inhibiteurs HDAC ont été testés – pas seulement HDAC2 – pour des essais cliniques comme certains médicaments contre le cancer.« Cependant, pour traiter la maladie d’Alzheimer, une approche plus sélective est nécessaire. Vous voulez quelque chose d’aussi sélectif et sûr que possible », conclut-elle.


Via MIT

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About the author

Sébastien BAGES

Plus de trois années de travail passionné sur Civilisation 2.0 Actus, et fondateur de l'association Civilisation 2.0, je mets à contribution mon expertise de veille technique et scientifique, mon analyse de chef de projet, mon engouement pour la science et ses outils, et mon expérience dans le développement stratégique afin d'offrir à tous ce qui en résulte.

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