Quelle différence une journée peut-elle faire ? 25 heures après qu’une étude génétique approfondie ait suggéré que l’homme a colonisé l’Amérique du Nord en trois vagues successives migratoires, une nouvelle explique qu’il pourrait y en avoir eu une quatrième.
Les données génétiques, publiées mercredi par David Reich de la Harvard Medical School de Boston, suggèrent qu’il y avait eu au moins trois migrations dans les Amériques en provenance d’Asie. La première, un peu avant les autres, il y a 13000 ans, était la plus importante, laissant les descendants parcourir les deux continents. Les deux autres sont venues plus tard, et sont restées dans l’extrême partie nord (Nature, DOI: 10.1038/nature11258).
Cependant, alors que Reich avait utilisé des échantillons de groupes amérindiens contemporains du Canada, d’Amérique Centrale et Méridionale, il n’avait pratiquement pas de données de ceux aux États-Unis, en raison de problèmes politiques sur l’utilisation des échantillons.
Aujourd’hui, Eske Willerslev de l’Université de Copenhague, au Danemark, et ses collègues rapportent les résultats de leurs analyses des outils en pierre et de l’ADN humain provenant des Grottes de Paisley, dans l’Oregon. Le résultat donne à penser qu’il y a pu avoir deux migrations, précédant 13.000 ans, plutôt qu’une. Parce que Reich a identifié deux migrations ultérieures, le nouveau résultat suggère qu’il peut y avoir eu quatre migrations vers les Amériques au total.
ADN de coprolithe
Willerslev et ses collègues ont d’abord étudié les grottes en 2008. Son équipe a découvert des anciens excréments humains – des coprolithes – qui se sont avérés être vieux de 14300 ans. Les coprolithes possédaient un ADN humain semblable à celui des Américains autochtones et des personnes vivant en Asie de l’Est (Sciences, DOI: 10.1126/science.1154116).
Les résultats ont été accueillis par un torrent de critiques, surtout axés sur l’âge des échantillons et du fait qu’ils avaient été contaminés par des gens qui furent entrés dans la grotte plus tard. Quelqu’un pourrait avoir uriné sur le sol de la grotte, par exemple, et son ADN aurait pu s’infiltrer dans les fèces fossilisées.
Willerslev a ré-analysé les échantillons pour confirmer leur âge. Il a également examiné des coprolithes d’autres animaux dans les grottes et a constaté qu’ils ne contenaient pas d’ADN humain, ce qui suggère qu’il n’y avait pas de contamination significative.
« Cette publication met les critiques au repos », a dit David Meltzer de la Southern Methodist University de Dallas, au Texas.
Deux migrations
Jusqu’à il y a quelques années, le consensus était que les premiers colons américains étaient le peuple de Clovis, qui apparaît vers 13000 ans. Ils se sont distingués par la fabrication d’outils de pierre pointus.
Les outils de pierre trouvés dans la grotte, par Willerslev, ont un âge semblable – ils sont âgés d’environ 12800 ans – mais ne ressemblent à aucun fabriqué par le peuple de Clovis. Ils ressemblent plus à des outils trouvés sur la côte ouest des États-Unis appelé projectiles Western Stemmed (WS). Jusqu’à présent, les plus anciens projectiles WS connus avaient environ 10700 ans, suggérant un développement plus tardif. Les données de Willerslev montrent que les deux cultures de pierre étaient contemporaines l’une de l’autre.
Projectiles Western Stemmed découvert dans la Grotte de Paisley, en Oregon, âgés de 13,000 ans – © Jim Barlow
Willerslev pense que les projectiles WS ont été conçus par les premiers migrants en Amérique, qui sont venus par voie maritime sur la côte ouest, alors que l’intérieur du continent était encore recouvert de glace. Les outils de Clovis étaient le produit d’un second groupe, qui est venu plus tardivement via l’Alaska et le Canada, après que la glace ait reculé.
Meltzer n’est pas convaincu par l’idée d’une migration supplémentaire. Il a expliqué que cela aurait pu être simplement une migration précoce qui est venue par voie maritime. La population aurait alors pu se diviser, et développer des technologies d’outils différents à cause de leur isolement.
En réponse, Willerslev pense que c’est moins probable. Il fait remarquer que s’il y avait une seule migration initiale, elle aurait eu lieu très tôt pour donner le temps à la population de se scinder en deux et que les deux groupes développent des outils radicalement différents.
Il est prouvé que les premières migrations peuvent en effet avoir été très tôt. L’année dernière, par exemple, les archéologues ont découvert un trésor d’outils rudimentaires de l’État sud du Texas qui remontent de 15500 ans à 2500 ans avant que la culture Clovis n’est émergée.
Cet article a été publié dans la revue Science (Journal reference: Science, DOI: 10.1126/science.1218443)
Citations de New Scientist (dn22053) et Civilisation 2.0 (p4387).
Crédit image À la Une : ADN vieux de 14300 ans, trouvé dans un fécès – © Jeff Barnard/AP Photo/Press Association Images
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