Il y a près d’un milliard de personnes sans-abris dans le monde et de nombreuses dans les bidonvilles ou mal-logées. Aux États-Unis seulement, près de 30 millions de ménages font face à des surcharges financières et à une trop forte concentration de population. Alors que les grandes villes des pays en développement s’élargissent de plus en plus (~5% par an), les bidonvilles et les squats grossissent près de deux fois plus vite. En France, il y a statistiquement une personne sans-abri qui meurt par jour (414 morts en 2010) dans nos rues.
Le cœur du problème, c’est la lenteur des constructions – il faut actuellement six à neuf mois pour construire une maison de taille moyenne aux États-Unis – et les coûts trop élevés. Dans le secteur manufacturier, ce double-problème a été résolu grâce à l’automatisation, ce qui entraîne des délais de production réduits et des coûts qui sont environ -25% des méthodes dites “manuelles” ou artisanales. Pourtant, la construction est restée un processus essentiellement manuel à travers les âges. Ce qu’il faut, c’est une innovation majeure qui permettrait d’automatiser la construction de structures entières, intégrée dans le processus de réduire radicalement le temps et le coût. Le résultat serait une révolution dans le secteur du bâtiment qui mènerait à des constructions de qualité à prix abordable ; mais aussi au développement rapide d’abris d’urgence sur-demande en réponse à des catastrophes.
Une équipe de l’Université de Californie du Sud a inventé une technologie de construction automatisée – le Contour Crafting – qui a le potentiel de construire des logements en une seule journée, et à un quart du coût des méthodes actuelles. Cette technologie a conduit à un large intérêt international, avec des articles de références dans le monde entier et des expositions dans plusieurs musées. Ce projet a été soutenu par la National Science Foundation, l’Army Corps of Engineers, l’Office of Naval Research, la NASA et plusieurs sociétés et fondations, au travers d’investissements démontrant.
Fonctionnement
Le Contour Crafting (CC) est un procédé de fabrication hybride qui s’appuie sur la robotique et l’impression de structures couche par couche. Les parois extérieures sont formées d’une matière pâteuse extrudée, telle que du béton, pour ensuite être lissée par une truelle robotique. Lors de la confection, des ouvertures sont laissées dans les murs, pour faire place aux fenêtres et portes. Des emplacements sont moulés, permettant de placer ensuite des modules de plomberies et électriques. Le CC est une technique très souple, capable d’effectuer des constructions esthétiques “organiques”, avec des formes curvilignes ou rectilignes, suscitant un vif intérêt de grands architectes.
Planifier
Le Contour Crafting est défini comme une construction automatisée de pans de murs en taille réelle dans un temps minimum. Le procédé a été démontré dans le laboratoire américain. Dans les trois ans, avec les fonds nécessaires, il devrait être possible de construire l’infrastructure nécessaire pour le montage rapide – en moins de 24 heures – d’une maison de taille moyenne. La première année servira à se concentrer sur la construction du mur, incluant les conduits des services publics, et les emplacements des fenêtres et des portes, le tout incorporé automatiquement dans le processus. Au cours de la deuxième année, l’équipe intégrera le renforcement de la structure. La dernière année sera dédiée à rendre compatible la machine à toute condition météorologique et à son déploiement aisé à n’importe quel endroit. Au terme de chaque année, une maison de 100 à 200 m² sortira du robot pour les tests et les démonstrations.
Le potentiel à partir de là serait énorme, comprenant aussi la conception de complexes ou d’autres types de structures (comme des murets, des barrières pour les autoroutes, des segments de paroi pour les tunnels et les ponts,…).
Il en résulterait une révolution dans la construction et des possibilités infinies d’éléments architecturaux. Simultanément, les accidents de travail serait réduit drastiquement, tout comme l’impact environnemental en raison d’une réduction, à la fois des déchets, et des émissions (la réduction du nombre de jours travaillés, des voyages dus habituellement aux constructions et l’utilisation d’une machine complètement électrique).
Le Contour Crafting à la loupe
Le Contour Crafting est un procédé qui vise à la fabrication de pièces à grande échelle directement à partir de modèles informatiques. Le CC utilise simultanément l’extrusion commandée par ordinateur (ECO) et le lissage par un bras robotisé d’une haute précision. Il a pu devenir une réalité grâce aux nombreuses technologies développées ces dernières années notamment dans la robotique, la distribution et les systèmes de contrôles.
Dans le CC, la conception et la production assistées par ordinateur (CPAO) sont utilisés pour tirer pleinement des avantages de l’extrusion et du bras robotique. Avec l’aide de la NSF, la NASA, l’ONR et plusieurs autres organismes, Berok Khoshnevis, responsable du projet et directeur du centre de recherche CRAFT de l’Université de Californie du Sud, et son équipe, ont mené des expériences approfondies ces dernières années, pour configurer le processus du CC, en produisant des structures à petites échelles. Des pièces 3D ont été ainsi modelées à partir d’une grande variété de matériaux thermoplastiques et céramiques.
Une machine plus grande a été produite afin de démontrer la faisabilité d’une construction en béton plein à taille humaine.
L’image ci-dessous montre des modèles grandeurs nature de modules-réservoirs pour des dômes lunaires avec une composition interne simulant la rigolite (minerai disponible sur la Lune), testés par la NASA Marshall Space Flight Center. Notez que la machine CC n’avait que 4° de liberté, d’où l’effet visuel en escalier. Sans cela, la surface aurait été sans heurt.
Depuis, l’équipe a beaucoup avancé, sachant maintenant construire des structures complexes comme par exemple des murs creux à structures internes ondulées. La photo nous montre la buse qui est capable de ce prodige, déplacée en alternance pour déposer les couches cimentées et supportée par un robot transporteur.
Ce design permet une résistante très forte. Afin de prouver cette résistance, un des murets a été basculé à 90° et surélevé de 10 cm par deux autres, distants de 2m13. Trois des personnes composants l’équipe sont montées dessus sans le faire céder. Le béton utilisé était renforcé par une fibre composite de ciment et de granulés.
L’utilisation du béton en remplacement de l’acier est quelque chose en passe de devenir banal. Presque toutes les entreprises du ciment spécialisées, font des recherches ambitieuses dans cette voie.
Plusieurs échantillons de mur ont été dressés en utilisant la machine CC actuelle, basés sur la méthode de structures creuses. Elle devrait être un bon candidat pour les murs car très similaire aux murs anti-bruits actuels. L’illustration suivante montre ce type de mur avec la technologie CC.
La machine actuelle de Contour Crafting est capable de construire un bâtiment d’une hauteur de 2m44, avec un volume d’impression d’approximativement 8,5m³. Des maisons standard peuvent être maintenant construites. Avec l’aide du CC, il n’y a pas besoin d’autres structures de maintiens pour obtenir des formes en dômes ou voûtées. L’équipe est d’ores et déjà en train de concevoir un robot encore plus grand.
Démonstration vidéo
L’intégration d’autres fonctions
Une fois que l’infrastructure robotique de CC sera pleinement intégrée, d’autres mécanismes pourront être ajoutés en vue d’une automatisation totale. Si nous comparons à ce que les secteurs manufactures ont accomplis, atteindre cet objectif devrait être possible. De nombreux produits courants complexes sont précisément fabriqués par les systèmes robotiques de manière entièrement automatisée.
Les bâtiments sont relativement plus simple à l’égard de la géométrie et de la précision requise. La fabrication couche par couche utilisée par le Contour Crafting devrait maintenant permettre la réalisation d’une complète automatisation de la construction du bâtiment.
Le carrelage automatisé des murs et des sols : ce peut être accomplit par deux robots. Le premier peut déposer la colle par un système de brosse, tandis que le second se chargera de carreler très précisément sur la zone traitée avec le matériaux adhésif. Les artisans ou ouvrier peuvent passer jusqu’à 60% de leur temps à positionner les revêtements. Avec cette méthode, ça ne sera plus un problème du tout.
Le plombier supprimé des fantasmes : un autre bras guidé par informatique effacera le plombier de vos souvenirs. En effet, simultanément à l’étape de la mise en place des murs, à chaque passage du CC, un nouveau morceau de tuyau est déposé. Le bras prend une pièce de tuyau en cuivre (par exemple) et l’insert en faisant fondre un anneau chauffant (en rouge sur l’image) – ce qui a pour effet de souder les segments. L’intérieur de chaque extrémité peut aussi être pré-traitée avec une couche de soudure. Un autre concept consiste à utiliser un anneau de jonction qui se “clipserait”. Khoshnevis a aussi étudié la possibilité de la plomberie PVC où les raccords se ferait par bandes adhésives.
Électricité et connectiques : une approche modulaire telle que les matériels Legrand ou Hager peuvent être utilisés pour le câblage électrique et les lignes de communication. Les modules ont des interfaces pouvant s’interconnecter facilement. Une simple pince peut mener à bien cette mission. Il suffira qu’elle dispose les modules dans les fentes prévues à cet effet et de les assembler dans les espaces correspondants. Une fois le circuit bouclé, il pourra immédiatement être raccordé au réseau.
Insertion de capteurs et dispositifs de calculs : dans le cadre du Contour Crafting, des puces pourraient être disposées dans certaines portions de la construction. Ces matériaux devront être résistants aux conditions de stress. En outre, des capteurs discrets peuvent être placés par un bras robotisé à des endroits pré-spécifiés à l’intérieur de n’importe quel type de matériaux de construction. Ces capteurs peuvent être utiles pour le contrôle de processus de construction, et lors de son achèvement en tant que moyen d’inspection détectant différentes variables comme la température, l’humidité, le stress, les vibrations, etc…
Isolation et travaux de finition : l’isolation ainsi que les travaux de finitions telles que le plâtrage des murs peuvent être réalisés en utilisant une buse CC hybride qui injecte plus matériaux en même temps comme le béton, le polyuréthane et le plâtre. Après que les murs soient construits, un bras pulvérise une peinture classique, ayant la possibilité de peindre chaque pièce en fonction des spécifications souhaitées. Le mécanisme de la peinture peut être une buse de pulvérisation simple, ou une tête à jet d’encre (utilisée pour l’impression de grands panneaux). Le dernier mécanisme fait du papier peint ou d’autres motifs souhaités.
Interview
Quel a été le processus pour aboutir à cette idée ?
« L’idée m’est venue alors que j’ai essayé de réparer mon mur après un séisme. Je me suis dit qu’en combinant l’extrusion par la robotique avec une truelle, mon travail serait bien plus facile ».
Est-ce que ça se rapproche des modèles d’imprimantes 3D que l’on peut voir maintenant ?
« Oui, c’est exactement cela ».
Quel est votre matériau favoris pour ce genre de machine ?
« Hé bien… Je pense que le béton est le meilleur outil. Mais nous sommes capables d’extruder du bois en fusionnant des copeaux, ou encore en époxy ».
Quand est-il de l’isolation ?
« Nous avons des méthodes permettant d’ajouter de la mousse polyuréthane en même temps que les murs se montent, par Contour Crafting ».
Pour terminer, qu’elle est votre prochaine étape maintenant pour que nous puissions cerner vos avancées ?
« La commercialisation ! Nous recherchons des fonds pour démarrer notre entreprise et commercialiser cette technologie ».
Merci Pr. Khoshnevis pour les échanges que nous avons eu. Nous vous souhaitons une pleine réussite dans vos projets.
Crédits images : Civilisation 2.0, Contour Crafting & B. Khoshnevis
C’est le chien qui se mord la queue ! Qui va pouvoir habiter ces rapides constructions puisqu’il va encore y avoir plus de chômage vu qu’on va avoir besoin de moins de main d’œuvre ! encore un secteur qui jusqu’alors était encore relativement épargné qui va trinquer au nom de la rentabilité… pas de quoi se réjouir de tel progrès !